Après être passé par l�?B>Auberge de l’ancienne et revenu de la forêt magique, après avoir salué le grand Arbre qui cache la forêt qui s’arrête net au moment précis du salut, vous vous retrouvez dans un champ de récolte, non très loin du Bourg joyeux.
Ce n’est pas sans un pincement de cœur que vous laissez derrière vous toutes les péripéties fantastiques et haletantes que vous avez vécues. Une chose est sûre, vous vous promettez à vous mêmes, sans le dire à personne, gardant ce secret bien au chaud au creux de votre âme�?de revenir vous y perdre un peu. La seule chose demeure : vous ne savez pas quand. Car dans ces moments là le temps n’existe plus�?et l’espace non plus. Comme dans un rêve vous vous apercevez que vous rêvez.
Mais pourtant vous êtes bien là retrouvant vos proches, vos amis et autres relations habituelles. Au lointain vous devinez ceux que vous aviez perdu de vue. Et tout recommence.
La première fois que nous avons découvert cet endroit de " Toutes les réponses ", c’était invités par une indistincte relation de famille élargie. L’ami du cousin d’un oncle qui avait entendu parler de nos aventures.
Un vieux camion bâché nous attendais au sortir de la gare. Nos bagages n’étaient pas très encombrants, principalement de légers sacs à dos pour chacun. Nous étions environ une demi douzaine, une petite dizaine d’hommes et femmes du même âge. Seul le chauffeur prit soin de nous dénombrer. Combien nous étions n’était pas le plus important pour nous. Qui nous étions non plus. Seul le pourquoi nous laissait ouvert aux réponses que nous avions demandées. C'était la raison de notre petit voyage au coeur du monde.
Montés dans la benne, nous nous sommes installés confortablement, épars sur des sacs, des rondins et des cordes. D’autres bâches repliées vite fait recouvraient quelques outils de campagne... Le véhicule ne faisait pas un bruit en roulant et c’est seulement lorsque nous avons bifurqué sur une petite route non goudronnée que nous avons entendu le crissement des pneus sur les petits cailloux. Bercé par les cahots légers, chacun couvait silencieusement et délicieusement l’instant présent. Nous ne parlions pas. Même l’envie d’en griller une petite ou de boire un verre ne nous venait pas à l’esprit. Le paysage, ou plutôt le ciel, onduleusement encadré par l’ouverture arrière, défilait tantôt bleu tantôt gris blanc, ponctué de ci delà par les feuillages changeants et ombrés bordant notre chemin, renvoyant vers l’intérieur de notre carriole les teintes vertes, roses et dorées, comme un décor abstrait et mouvant.
Le camion ralenti et s’arrêta doucement. Le chauffeur se retournant vers nous par la petite fenêtre arrière de la cabine, nous proposait soit de continuer à pied par les jardins, soit de monter directement à la demeure, en haut de la colline. Nous pouvions laisser nos affaires, on les retrouverait dans l’entrée de la résidence. Puis il reparti sans nous laissez le temps de poser de question.
Nous nous aperçûmes alors que nous étions sur une toute petite route. Le léger fardier qui disparaissait maintenant dans les frondaisons semblait occuper bien plus que la largeur du chemin. Ce n’était pas encore la mi journée et nous ne ressentions aucune faim. Parti de très bonne heure de la capitale du Pays du milieu nous avions toutefois emmené avec nous quelques fruits séchés, du chocolat, de l’eau et du pain.
Aux lisières du domaine, le petit groupe que nous formions se retrouvait seul dans le silence de la campagne. Après avoir tâtonné un petit moment dans la direction de notre conducteur, un petit sentier s’ouvrit entre deux buissons dans le remblais de la voie où nous marchions. Il descendait vers une vaste prairie toute en courbes dont nous distinguions le tapis lumineux à travers un petit bois plus sombre. Aux crissements, craquements et chuchotements dans les fourrés assourdis, nous devinions leurs petits occupants. Puis, arrivé à l’orée, un lac révéla ses reflets et au fur et à mesure de notre avance il grandissait jusqu’�?se perdre dans la brume qui s’évaporait encore avec les rayons d’un soleil apaisé.
Comme si un technicien caché avait monté progressivement le son, les bruits d’appels d’oiseaux divers se précisaient. Au loin des cygnes ondulaient sur les flots diaphanes et dans leur sillage miroitait la lumière. Des canard surpris s’envolèrent en cancanant, pendant qu’une petite troupe d’oies sauvages, se dandinait vers nous, curieuse, avec des murmures interloqués.
Plus loin, sur notre droite, en haut de la colline, entre de grands arbres bien déployés au milieu des prés, nous commencions à distinguer des toits. Soudain, un grand cerf fit irruption dans les hautes herbes, à quelques dizaines de mètres. Une petite troupe de biches accompagnée des faons de l’année, le suivait à distance. Il avança encore un peu puis s’immobilisa. Nous aussi. Après quelques longs instants, il fit somptueusement et très lentement volte face�?Puis retournant vers les siens, il grinça quelques mots rauques que nous compriment aussitôt : " vous êtes les bienvenus, tâcher de respecter les lieux ".
Plutôt que de monter directement vers les bâtiments, je décidais de continuer par les jardins et descendis vers la berge du lac. L’une des femmes me suivit. Sans attendre les autres qui hésitaient, je me pris d’une petite course. La vie était bien agréable et légère �?nbsp;Ensuite, pour évacuer une brusque montée d’adrénaline, je continuais de courir de façon plus rythmée. Juste derrière moi j’entendais le souffle de celle qui m’avait emboîté le pas. Bientôt elle fût à ma hauteur�?Puis l’effet attendu de cette échappée belle m’emporta et je m’envolais. L’autre fit de même, imperturbable. Aucun désir aucun besoin que d’habiter enfin cet endroit qui s’offrait à nous et où les questions n’ont plus de sens.