Petit Tog était fier de lui, il avait réussi sa mission. Il avait éliminé le vieux fou. Il avait semé la pagaille chez les bandits. Il avait fait germé plein de fausses pistes dans la tête de leur chef. Au moins celui-ci serait convaincu que c’était lui et non Kiza l’espion des trois derniers cycles. Kiza pourrait retourner à KaZ sans trop sw craintes d’être importunée par les contacts secrets que le prince des bandits avait dans la cité. Il n’avait rien montré de ses capacités réelles à Kiza. Il avait appris que la charade de Petit Tog avait été éventée. Grand Tog serait content de lui.

Kiza leur fit suivre le ruisseau jusqu’�?l’aube et déscendit vers KaZ pour rejoindre un autre ruisseau qu’ils remontèrent vers le nord-ouest. Il la suivait aussi silencieux qu’elle. Au milieu de la matinée, elle pris une piste qui remontait vers un piton rocheux entouré d’un petit verger. L’ermitage de Traz. Celui-ci les acceuillis à l’entrée d’une hutte tressée entre les troncs de quatre grands arbres et recouverte de terre et de plantes à fleurs. Kiza se lança dans une longue conversation de glyphes avec lui. Elle lui conta son combat contre Gan, la réaction de Grand Tog et ainsi de suite. Il ne réagit pas quand le glyphe d’imbécile commença à être associé à son nom. Les glyphes qu’employait Kiza n’étaient pas enseignés aux enfants de son age. Petit Tog savait lire les glyphes jusqu’au niveau des disciples .Grand Tog lui avait enseigné tout sauf le niveau des maîtres. Au bout d’un moment, il fit l’enfant qui se désintéresse de la conversation des grands auquel il ne comprend rien et contempla l’horizon au nord cherchant un signe pour localiser KaZ. Il finit par remarquer la légère brume qui marque un gros rassemblement d’humains. Comme disait Grand Tog, on repère une cité au loin à la mauvaise haleine des paroles vaines qu’on s’y échange. Il se demandait quel était le travail qu’il était venu faire à KaZ. Visiblement ce n’était pas, comme il avait cru naïvement, d’attendre que la Destinée appèle son filleul aux arts de combat. Et pourquoi un prince de brigands s’intéresserait-il à eux au point de déjouer leur charade? Avaient-ils été suivis depuis Khomorres, la cité précédente, dans leur voyage de quinze lunaisons ponctué de nombreux détours pour des consultations auprès de sages femmes ou d’ermites? La voix de Traz le ramena au présent.

« C’est très bien Kiza, tu t’es acquittée de ta dernière mission pour Tog de Nanaïmo. Tu mérites ta récompense. Mon nom d’enfant était pitchou de la passe de l’aigle. Mais n’en veux pas à Petit Tog, c’est moi qui vous ai fait capturés par les bandits avec l’aide de mon animal totem. Il était urgent que je sache par quelle magie je ne pouvais espionner leur repaire. Tu as été mes meilleurs yeux et mes meilleures oreilles depuis que tu n’as plus la Voix. Mais leur shaman t’as fait perdre la vue et l’ouie. C’est Petit Tog qui t’en a libérée avec l’aide de mon animal totem. C’est un garçon très intelligent même s’il est parfois maladroit. »

Elle lui demanda en glyphes si c’était son animal totem qui avait tué le shaman.

« Non, c’est le sortilège de Grand Tog. En fait, c’est un contre sort connu des seuls Grands Maîtres. Tout sort lancé contre Petit Tog est retourné au jeteur. Comme j’avais espéré, le shaman a lancé son sort le plus meurtrier pour prouver à son maître que Petit Tog était un démon. Cela s’est retourné contre lui. » Petit Tog se retint de le contredire, Traz aussi ne voulait pas que Kiza soit impliquée dans cette guerre des esprits.

Et les balivernes à propos de boukis, de démons Tschaï et d’ange protecteur qu’il a raconté au chef des bandits ?

« C’étaient des suggestions de mon animal totem interprété par un garçon doué d’une forte imagination. Tu sais Kiza, le chef des bandits en savait plus sur toi et Petit Tog que quiconque à KaZ. Il doit avoir des amis en haut lieu dans la cité. Je ne pouvais me servir de Petit Tog pour le tuer comme le shaman..Je ne pouvais que jeter des doutes sur ses informations. Un enfant surdoué, un boukis, un démon Tschaï ou un ange protecteur, comment préfères-tu Petit Tog ? Visiblement le chef des bandits est un ennemi de Grand Tog, donc ses amis à KaZ sont aussi ennemis de Grand Tog. . Tu devais pouvoir revenir à KaZ sans ce soupçon d’être les yeux et les oreilles de Grand Tog car tu ne l’a jamais été. Viens, je vais te préparer une tisane qui te feras dormir et qui lavera ton corps et tes rêves de toutes les souillures du shaman. Demain, tu rejoindras KaZ. »

Petit Tog admiratif, les suivit à l’intérieur. C’était plus grand qu’il n’y paraissait de l’extérieur et l’ermite avait une collection d’herbes plus fournie que celle de la femme des plantes qui l’avait médusé il y avait longtemps déjà. Au milieu de la pièce, un énorme chaudron, aussi grand que celui d’un ogre, était recouvert d’un étrange entonnoir renversé qui devenait un long col translucide qui sortait de la hutte par le trou d’aération au plafond. Traz, qui préparait déjà la tisane assistée de Kiza., lui dit :

« Ah ça mon garçon c’est pour recouvrir ma hutte et les alentours d’une brume qui me cache aux yeux de ceux que je ne veux pas qu’ils me trouvent. Ne t’en fait pas, aucun petit enfant n’a bouilli dedans. »

Petit Tog, comme un tigron qui fait le tour d’une nouvelle tanière, compléta son inventaire méticuleux de la hutte sans toucher à rien mais en regardant, écoutant et humant tout du plus près possible. Au bout d’un moment, il sentit Traz à ses cotés et reconnu la respiration d’une Kiza endormie. Traz lui pris la main et l’amena dehors.

« Viens, mon garçon, éloignons-nous. Kiza dort, mais je ne sais pas entièrement ce que le shaman lui a donné. Elle peut se réveiller d’un mauvais rêve à tout moment. »

Ils grimpèrent silencieusement jusqu’�?un surplomb en vue de la hutte. Petit Tog ouvrit la conversation.

« Tog de Nanaïmo m’envoie. Il m’a dit de te raconter mon rêve à l’épreuve de la Destinée. Il m’a dit que tu dois m’enseigner tout ce que tu lui as enseigné. Il te fais dire qu’il viendra nous rejoindre quand la Destinée le lui permettra. Il m’a dit de suivre Kiza jusqu’�?chez toi et de ne plus me retourner vers KaZ. J’ai retardé Kiza en chemin mais j’ai pris grand soin de la libérer. »

« Pourtant tu sais ce que j’ai dit à Kiza ? »

« Oui, mais pitchou est aussi l’animal totem de mon enfance. J’ai conçu ma mission et il m’a bénis. En aucun moment je n’ai ressenti de suggestions. »

« Je vois, Grand Tog t’a enseigné jusqu’au niveau de disciple. Tu sais reconnaître une suggestion. Je vois aussi qu’il t’a enseigné les usages de l’enveloppe bulle. Ce que j’ai dit à Kiza c’était surtout pour la protéger des ennemis de ta famille. C’est vrai, tu as tout fait par toi-même, mon pitchou servait de relais pour savoir par.les yeux et les oreilles de Kiza. Quand le shaman a fait boire sa mixture à Kiza, j’ai perdu son contact jusqu’�?ce que tu la sortes de sa stupeur. Sais-tu ce qu’il lui a donné ? »

« C’était un vieux shaman des steppes des grands froids. Il devait être fou car il s’était emparé de l’enveloppe bulle d’un autre. Elle était plus ou moins redevenue sauvage et il ne savait pas bien la contrôler, elle se nourrissait de son eau. Il ne portait pas la cagoule. J’ai pensé que, sans enseignement, par tâtonnement il n’avait pu apprendre qu’�?faire produire la première drogue des morts-vivants par la poche buccale. C’était la seule possible pour obtenir qu’elle réponde à toutes ses questions et aussi les symptômes qu’elle présentait quand je l’ai trouvée. J’ai fait produire le contre poison par ma poche buccale et cela l’a réveillée dans les temps prévus. Je n’ai rien remarqué qui laisse à penser qu’il lui a donné ou fait d’autres choses. Quand ils m’ont capturé, le chef m’a dit que Kiza ne répondait pas aux questions et que le shaman avait senti que quelqu’un contrait son pouvoir. Je crois qu’en cherchant, il a suivit l’attirance de son enveloppe sauvage pour mon enveloppe bulle. C’est seulement comme ça qu’ils ont pu me trouver car j’étais dans une excellente cachette. »

« Très bien pensé mon garçon. Le shaman était le seul ennemi que tu devais abattre pour protéger ton secret et que tu pouvais abattre sans le révéler Son maître ne pourra plus rien entreprendre avant de l’avoir remplacé. Ses comparses à KaZ devront agir seuls d’ici-la. Attends-moi ici, je vais aller compléter le traitement de Kiza. Ma tisane n’était faite que pour les drogues de vérité. »

Petit Tog revint à ses réflexions. Traz l’avait félicité et Traz avait la maîtrise de son animal totem. Cela donnait beaucoup de valeur à ses félicitations. Ni Grand Tog ni Traz ne voulaient que Kiza soit melée à une guerre des esprits. Il se laissa aller à une profonde méditation sur les guerres des esprits qui divisaient l’humanité entre la sagesse de la Déesse Mère et les servants des multiples dieux de la mort. Grand Tog faisait parti des mages, les sages du consensus.. Il admettait que les mythes de la Déesse Mère unique, créatrice de toutes choses, ne pouvaient tout expliquer. Mais il refusait d’admettre qu’ils n’expliquaient rien. Il refusait surtout l’idée des dieux de la mort. Pour lui le monde était fait d’inerte et de vivant. Une force assemblait de l’inerte en un vivant qui s’usait avec le temps et redevenait inerte. La mort d’un vivant était donc un fait de la vie. Un dieu de la mort ne pouvait être qu’une force de l’inerte qui use toutes vies. Servir un dieu de la mort c’était donc servir les forces de l’inerte contre la force de la vie. C’était lutter contre sa propre personne vivante. Impossible d’atteindre à l’immortalité de l’individu par cette voie comme prétendaient certains mythes des dieux de la morts. C’était la vie qui semblait poursuivre le chemin de l’éternité et elle avait choisi le renouvellement des individus pour lutter contre l’usure des individus afin de vaincre perpétuellement les forces de l’inerte. Et cela était assez bien expliqué par les mythes de la Déesse. Grand Tog avait consacré sa vie à la connaissance de la force de la vie. Petit Tog comprenait assez bien le raisonnement, mais pour lui cela se résumait à : il pouvait jouer avec les forces de l’inerte mais pas avec la force de la vie. La vie c’était sérieux et Grand Tog ne plaisantait jamais quand Petit Tog oubliait une des règles du vivant dans ses jeux.

Le soleil était maintenant caché par la montagne dans son dos. Petit Tog suivait du regard l’ombre de la montagne s’allonger dans la plaine au bas. Du sommet de la foret montait une légère brume. Traz sortit de sa hutte et Petit Tog remarqua une brume aussi légère qui sortait du sommet de la hutte pour couler vers celle de la foret. Traz revenait vers lui d’un pas alerte.

« Tu peux maintenant enlever ton enveloppe bulle. » dit-il « Nous allons être en lieu sur jusqu’au lever du soleil demain. » Petit Tog se dévêtit et se concentra sur la séquence de changements d’humeur qui déclenchait l’ouverture de l’enveloppe. La cagoule s’ouvrit comme une fleur à la base de son cou. Il l’enleva, la retourna comme un gant et la déposa sur l’herbe. Puis le torse et les bras, puis le ventre et les jambes. Après il remit ses vêtements maintenant trop grands pour lui. Petit Tog lui conta son rêve de la destinée.et le commentaire de Grand Tog après qui lui ait conté.

« Je vois un peu pourquoi cela trouble tant les grandes dames de KaZ. Un garçon qui fait un rêve de diseuse. Cela va en l’encontre des mythes de la Déesse. Vous êtes arrivés du sud et nuls ne vous connaît au nord de KaZ. Pourtant ton rêve décrivait la cité tabou qui est à une demi lunaison de marche vers le nord. Nul n’en parlerait ici et surtout pas à un enfant. Tu viens bien de la Vallée des Origines. Nanaimo du pays du long Rêve n’était pas mon disciple mais mon maître. La seule chose que je lui ai apprise c’est ou se trouvait la Vallée des Origines, le but de sa propre quête de destinée. Donc je devrais t’enseigner tout ce que je lui ai enseigné. Mais tu es capable de réflexions et d’actions inexplicables pour un enfant de ton age. Racontes-moi ton histoire. Nous avons du temps, le repas ne sera prêt qu’�?la tombée du jour. »

Petit Tog conta son histoire. L’assassinat de sa lignée, son anomalie de croissance. Leur départ. La quête des Tog pour un remède. Leur perigrination de cité en cité. À la tombé du jour il arrêta son récit, remit son enveloppe bulle et suivit Traz pour retourner à la hutte. La brume était maintenant épaisse au bas de la corniche ou ils s’étaient installé. Traz lui fit signe de prendre les devants. Petit Tog huma la brume et se dirigea vers le bouquet des parfums des fleurs qu’il avait remarquées sur le toit de la hutte. Son flair les amena à bon port.