Comme il existait à l'époque de nombreux évangiles contenant le véritable enseignement de Jésus, celui-ci contient beaucoup en commun avec ceux de saint Matthieu, de saint Marc, de saint Luc et de saint Jean ; mais ce fut le seul qui échappa à la plume des « correcteurs », parce que ces derniers ignoraient son existence. Les autres évangiles contenaient l'enseignement de Jésus sur l'abstention des viandes et sur l'amour pour les animaux, mais toutes ces leçons furent éliminées par les « correcteurs ».
L'Évangile des Douze est un authentique évangile, qu'il convient de prendre pour ce qu'il est, c'est-à-dire pour l'enseignement de Jésus. Comme toutes les Ecritures Sacrées, l'Évangile des Douze est mystique et pour bien le comprendre il faut l'interpréter dans cet esprit. Sa valeur réside dans les leçons qui sont voilées par la forme. Pour saisir l'enseignement, le vêtement doit être soulevé ou retiré. C'est alors que « la fausseté disparaît mais que la vérité demeure ».
Dans tous les mystères sacrés, des paraboles sont utilisées comme habillage de la Vérité qui est cachée par son moyen d'expression. Dans l'une des « Paroles de Jésus » (Logia) �?telles qu'elles sont consignées dans les rouleaux de papyrus d'Oxyrhynchus * on nous dit : « Ce qui t'est caché doit t'être révélé. Car il n'y a rien de caché qui ne doive être rendu manifeste, ni rien d'enterré qui ne doive être exhumé. » A ceux qui cachent « la clef de la gnose », Jésus dit : « Vous n'êtes pas entrés vous-mêmes et à ceux qui voulaient entrer vous n'avez pas ouvert. » En fin de compte : « La Vérité est révélée selon leur capacité de comprendre et de recevoir. »
« Recherche la raison suffisante de l'univers manifesté et du mot écrit, et tu ne trouveras que le sens mystique. » « A certains je dis des paroles communes. A d'autres, grandement éclairés, je révèle des mystères : mes paroles sont Esprit et Vie et ne sont pas à mesurer avec l'aune humaine. Eux, les prophètes, donnent la lettre mais toi tu donnes le sens. Ils rendent publics les mystères, mais toi tu expliques le sens des choses scellées. Ils se répandent en mots mais toi tu donnes la compréhension à celui qui t'écoute. » A la fin de l'Évangile des Douze, nous lisons : « Pour ceux qui croient en considérant l'esprit plutôt que la lettre qui tue, les choses ici relatées sont véritables comme vérités spirituelles ; pour les autres, ce sont des contes sans queue ni tête. »
Ce ne fut pas sans une profonde pénétration que Jésus a dit : « Soulève la pierre » de l'Être intérieur (jusqu'au niveau de l'Esprit) « et là tu me trouveras » ; et « Fends le bois » de la conscience inférieure et extérieure, « car c'est là que je suis » *. Le « Fils de Dieu dans l'homme » doit être relevé pour la juste compréhension de la Sainte Écriture. Jésus a dit au paralytique �?et ils sont nombreux à l'être �?« Lève-toi et prends ta couche. »
L'un des premiers actes de Jésus après sa résurrection fut « d'ouvrir les écritures » à deux de ses disciples, Cléophas et un autre, qu'il rejoignit sur leur route de Jérusalem à Emmaûs.
II trouva ces disciples en train de « raisonner ensemble » sur les événements qui venaient de se passer ; et immédiatement « Il leur exposa les choses qui le concernaient dans toutes les écritures » ; et il les réprimanda pour leur « folie » et leur « lenteur de cœur à ajouter foi à tout ce que les prophètes avaient déclaré ». S'ils avaient prêté l'oreille aux ordres de leur cœur plutôt qu'à la logique de leur cerveau, leurs yeux spirituels n'auraient pas été « retenus ». Jésus dit aussi : « Mon âme souffre par les fils des hommes parce qu'ils sont aveugles dans leur cœur et ne voient pas. »
* Papyri d'Oxyrhynchus : c'est une collection de plusieurs milliers de fragments de papyrus découverts en 1897 et après à Oxyrhynchus, qui était au Ve siècle un centre de culture chrétienne, à environ 19 km à l'ouest du Nil, près de la ville moderne de Behnesa. Les fragments les plus célèbres sont deux séries de « logia » de Jésus.