Le dieu YHWH d'Israël est un dieu de tribu. Il a "élu" son peuple par le sang. Il n'est donc pas possible d'en faire un dieu de tous les hommes. Car si les Hébreux ne peuvent adorer un autre dieu, aucun homme non-juif ne peut se convertir à l'adoration de YHWH. Il faut dire que la théologie tardive du yahwisme était, sur maints points, en conflit avec les traditions primitives de l'élohisme patriarcal.
Le premier testament fait référence à un groupe d'Élohim créateurs de l'écosystème terrestre et de l'hominisation.
"Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance" Gen. 1, 26
Les exégètes chrétiens ont rendu le mot embarassant "Élohim" (pluriel) comme s'il était l'équivalent du mot singulier: Dieu. Cependant, comment auraient-ils pu faire autrement, même s'ils avaient su? Il leur était défendu d'apporter le trouble dans les idées ayant cours alors.
Ce premier testament parlait aussi de "fils des Élohim" qui avaient "veillé" sur la génération humaine et l'avait détournée du plan initial... Le texte hébreu de la Genèse mentionne les fils DES Élohim et non pas "les fils de Dieu", dont le nom et le sens n'existent pas dans la tradition sémitique. Sans doute est-il difficile de reconstituer les démêlés qui opposèrent au départ les fondateurs du christianisme et les Prêtres du Temple...
D'où viennent ces "anges" dont parlent les Pères et tous les saints ou théologiens de l'Église catholique? D'où, sinon de l'évolution de la tradition sémitique ?
Reprenant les éléments universels de la mythologie du Bien et du Mal , les églises ont fait grand cas d'une "chute des anges" menée par Satan/Lucifer alors qu'elles se taisent toutes sur le mécanisme et surtout l'histoire de cette chute.
C'est sans doute pour avoir mélangé les genres, que les fils-des-Élohim, mais non les Élohim eux-mêmes, engendrèrent le monde contradictoire dans lequel nous nous débattons. Si on admet que les Élohim ont réellement fait ce que la Genèse leur attribue, avec les meilleures intentions, à n'en pas douter, ils ont inauguré cet esprit qui pousse encore l'humanité à un progrès qu'elle ne maîtrise pas... Prométhée, comme ces Veilleurs du livre d'Hénoch, crut libérer les hommes en leur livrant les secrets de la puissance et le goût du progrès...mais les hommes n'étaient pas mûrs, de toute évidence!
Les gnostiques d'Alexandrie, aux premiers siècles de notre ère, avaient vu la question sous cet angle et entamé "ce procès monumental contre l'univers entier, l'aliénation originelle de l'homme et la duperie des systèmes et des institutions", en ouvrant le premier dossier et en commençant par le "le commencement", c'est-à-dire par le ciel" (1).
Et ils avaient justement conclu, selon la tradition, que la responsabilité ne rejaillissait pas sur la divinité dans son ensemble, mais seulement sur les anges déchus qui avaient perverti le plan initial et le monde par voie de conséquence.
Dans la plupart des codes de justice terrestre, il y a un principe qui veut que "le bénéfice du doute profite à l'accusé"... et il subsiste plus qu'un doute sur les raisons qui ont poussé les Élohim à intervenir dans notre genèse et qui les ont obligés à nous laisser notre liberté d'évolution historique.
S'ils sont des démiurges, ils ne sont pas DIEU. Ils sont comme nous, faillibles, malgré tout ce qu'on peut leur prêter de science, de sagesse et de puissance. La chute des mauvais anges le prouve, sans faire appel au fait que la plus longue et profonde science ne peut atteindre à l'absolu de La Science.
Références:
Éric Guerrier. De Bethléem à la fin des temps. Monaco: Éditions du Rocher, 1982.
(1) J. Lacarrière, Les Gnostiques, Idées/Gallimard, 1973.