Les dents se cultivent en laboratoire
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Il est aujourd’hui banal de faire pousser toutes sortes de cellules en laboratoire pour obtenir des tissus simulant peu ou prou ceux du corps humain. En revanche, il n’était pas encore dans les possibilités des biologistes de cultiver les molaires en éprouvette. Cette perspective pourrait néanmoins voir le jour si les projets de dentistes américains aboutissent.
Plus audacieux encore. Grâce à la thérapie génique, nous pourrions renouveler nos dents en permanence. De quoi sourire définitivement à la vie !
La fin des plombages
Obtenir la reproduction au laboratoire de différentes cellules dentaires capables de fabriquer émail, dentine et cément, mieux comprendre les mécanismes impliqués dans certaines anomalies de la formation des dents rencontrées chez l’homme, tels sont les travaux auxquels se consacre depuis des années l’équipe du Pr. Mary MacDougall à l’Université du Texas de San Antonio.
Ces dentistes tentent ainsi d’activer la croissance de la dentine ou ivoire, le tissu le plus dur de la dent qui se trouve immédiatement en dessous de la couche protectrice d’émail, dans le but d’aider les dents cariées à réparer les lésions elles-mêmes. Demain, ce pourrait donc être la fin des plombages, les cavités des dents abîmées étant obturées grâce à ce procédé. Les chercheurs texans sont optimistes et des résultats notables sont attendus d’ici deux à trois ans.
Cultiver des dents humaines
Cependant, les 4,6 millions de dollars, que vient de recevoir cette équipe de dentistes de la part de l’Institut national américain pour la recherche dentaire et crânio-faciale, pourraient lui permettre de mener des recherches plus ambitieuses encore en collaboration avec d’autres chercheurs de l’Université du Missouri.
Les dentistes texans ont déjà obtenu, en partie, la croissance d’embryons de dents de rongeurs au laboratoire. Désormais, la prochaine étape est d’obtenir une véritable croissance de dents humaines en éprouvette. «Bien sûr, cette perspective ne pourra probablement être atteinte que dans 20 à 25 ans», admet le Pr. MacDougall, mais de tels résultats pourraient révolutionner la médecine. Ces bourgeons dentaires pourraient, sans aucun risque de rejet, servir de base pour réaliser des implants et ajuster dessus des dents prothétiques, remplaçant ainsi les racines en titane habituellement utilisées dans ce but. Pourquoi même ne pas imaginer que ces dents cultivées en laboratoire pourront, dans un second temps, remplacer totalement des dents perdues en raison de caries ou de déchaussements, ainsi que des dents insuffisamment développées du fait de maladies d’origine génétique ?
La thérapie génique au service des dentistes
D’autres projets vont plus loin. Les dentistes texans s’intéressent aussi à la régulation des gènes intervenant dans la formation et la croissance des dents. En réalité, ce sont ces travaux qui leur ont valu l’octroi récent de nouveaux fonds. D’où leur espoir en manipulant notre patrimoine génétique de réguler la croissance dentaire. Grâce à la thérapie génique, nos dents pourraient être dans l’avenir parfaitement alignées et les appareils dentaires voués à la disparition, car on pourrait diriger à souhait la taille des dents... ou modifier leur couleur, leur nombre, leur forme...
Montrer les dents
On pourrait aussi, pourquoi pas, induire à la demande, la croissance de nouvelles dents à l’intérieur de la bouche même, quand les anciennes sont très abîmées, le nombre de générations de dents devenant désormais illimité. Pas de doute, l’homme de demain sera désormais armé jusqu’aux dents contre tous les maux dentaires existant. Aurons-nous droit, comme les enfants qui perdent leurs dents de lait, à un cadeau de la petite souris lors de chaque renouvellement de notre dentition ? Mary MacDougall ne s’est pas penchée sur cette question.
En tout cas, il y tout lieu de penser que ces projets, s’ils réjouissent les patients que nous sommes, pourraient lui valoir les foudres de ses confrères, furieux d’être brusquement mis au chômage. Mais, la disparition de la roulette n’est pas prévue pour l’immédiat. Aussi, ne devraient- ils pas garder trop longtemps une dent contre notre dentiste prodige.
Dr Corinne Tutin